En tant que déesse de vie, de mort et de renaissance, Kali est généralement représentée le visage sombre, vorace cannibale dansant sur les lieux de crémation, tenant une épée, une tête coupée, un bol de sang et un noeud coulant dans ses quatre mains. Autour de son cou se trouve une guirlande faite de crânes, et les cadavres de deux enfants pendent à ses oreilles, alors que sa ceinture est faite des bras coupés des épaules de ses victimes. Souvent, un serpent s'enroule autour de son corps, d'une épaule jusqu'à la hanche opposée, remplaçant ainsi la corde traditionnellement portée par les Brahmins. Ses apparâts comptent habituellement d'autres serpents plus petits, portés comme des brassards ou des bracelets.
Elle n'est pas une belle image. Mais en nous concentrant sur son côté sombre, nous (aux États-Unis) avons tendance à déformer et mal comprendre cette déesse. Parce que Kali est également la déesse qui donne naissance à l'univers entier, ce que l'on peut voir dans son iconographie également. Elle danse nue afin que son yoni (sa vulve, son vagin) fécond soit exposé de manière évidente, comme le sont ses seins généreux avec lesquels elle nourrit tout ce qu'elle a apporté à la vie dans ce monde. En fait, l'une de ses représentations les plus connues la montre chevauchant le dieu Shiva, le transformant d'un cadavre à un amant, prêt, avec son phallus érecté, à satisfaire ses désirs débridés. C'est Kali qui ramène Shiva d'entre les morts et lui donne vie, parce qu'elle est Shakti, l'énergie inhérente à l'univers, la force qui active le potentiel et crée le monde.
Qui est cette déesse ? À partir de ce que l'on peut reconstruire de l'Inde ancienne, il apparaît que Kali tienne ses racines dans la religion des peuples indigènes du Sud de l'Asie, avant la conquête des Indo-Aryens. Dans les plus anciens textes traitant de Kali, elle est une déesse tribale ou déesse des collines, vivant en bordure de la société Aryenne. Avant son incorporation dans les écrits sanskrits, on dit qu'elle était vénérée dans les lieux sauvages, non-civilisés, vivant sur les sommets des montagnes, près des rivières, dans les grottes, les forêts et les bosquets. En d'autres mots, elle vivait dans les régions sauvages, ces endroits de l'Inde encore habités par les peuples non-aryens. Le fait qu'elle soit une déesse proéminente dans les pratiques tantriques indique également son origine indigène, puisque les Tantras furent fortement influencés par les sources non-aryennes également.
Kali entra dans la tradition sanskrite entre 400 et 500 ans de l'ère chrétienne grâce au Devi-Mahatmya, une section des tous premiers Puranas Sanskrits. Ces textes étaient des compilations des mythes courants de l'Inde de l'époque. Bien que diverses déesses étaient connues dans les écrits sanskrits plus anciens, elles étaient des divinités relativement mineures. Ce qui était nouveau à propos du Devi-Mahatmya est que pour la toute première fois dans un texte écrit, la Déesse était décrite comme la réalité ultime elle-même, ce qui en faisait l'égale de Shiva et de Vishnu, divinités majeures dans l'hindouisme jusqu'à ce moment-là. Le mythe raconté dans le Devi-Mahatmya fait le portrait de dieux envoyant leurs énergies en des courant de flammes pour être réabsorbés par la Déesse, leur mère originelle, l'énergie de vie de laquelle ils ont émergé à l'origine. Lorsque la Déesse apparaît dans cette pluie de feu, les dieux lui remettent alors tous leurs emblêmes, outils, armes et autres symboles spécifiques à leurs pouvoirs, dissolvant ainsi tous leurs pouvoirs particuliers en la source de laquelle ils se sont écoulés. Avec la force combinée de tous les dieux, la Déesse s'avance pour détruire une horde de démons qui menaçait l'univers après être devenue plus puissante que les dieux. Dans ce mythe, la Déesse est appelée par plusieurs noms, parmi eux : Ambika, Shri, Lakshmi, Candika, Durga et Kali. Les années qui suivirent l'écriture du Devi-Mahatmya, la Grande Déesse dépeinte dans ce mythe fut habituellement identifiée en tant que Durga, occasionnellement en tant que Kali et aussi comme étant les deux, la lumière et l'ombre, les deux côtés d'une même déesse. Avec le temps, toutefois, Kali devint indépendante de Durga, et pour des millions d'Hindous, particulièrement dans le tantrisme et le dévotionalisme du Bengal, elle est devenue la plus grande manifestation du divin.