:: Inanna et le Mariage Sacré
Traduit et adapté par Ishara Labyris, du texte Inanna and the Sacred Marriage de Johanna Stuckey [matrifocus.com]
« Le roi va tête haute vers les saintes cuisses
Va tête haute vers les saintes cuisses d’Inanna
[Dumuzi] couche avec elle
Il se délecte de ses pures cuisses »
(Sefati 1998 :105)
Le Mariage Sacré était « joyeusement et ravissement » célébré dans l’est de la Méditerranée pendant plus de deux mille ans (Kramer 1969 : 49). Le Mariage Sacré est assimilé au Hieros Gamos des Classiques grecs, originellement le mariage de Zeus et de Héra, mais les Classiques utilisaient le terme pour désigner les alliances entre d’autres divinités ou des divinités et des humains, particulièrement lorsque soulignés par un rituel. Sir James Frazer (1854-1941), auteur de « The Golden Bough » donna au terme le sens plus large de « actes sexuels mythiques et rituels » liés à la fertilité (Cooper 1993 : 82).
Bien que, pour la Mésopotamie antique, le terme fasse référence au « rituel de mariage entre deux divinités ou un humain et une divinité » (Cooper 1993 : 82), les participants représentaient les divinités : habituellement Inanna-Ishtar et Dumuzi-Tammuz [1]. Dans les temps anciens, l’objectif principal de ce rituel était de « lancer un bon sort pour le roi et son pays » (Lapinkivi 2004 :7). [2] Néanmoins, comme je l’expliquerai plus tard, les premiers prêtres pourraient avoir transformé le rite pour l’adapter selon leur volonté, mais à l’origine, ce rite avait une toute autre fonction.
À partir des hymnes existantes, on peut comprendre ce qui se passait lors du rituel (Lapinkivi 2004 : 47, #29;50, #35). Tout d’abord, Inanna était baignée, parfumée et parée, tandis que Dumuzi et sa suite procédaient vers son sanctuaire. Le célèbre vase d’Uruk peut représenter cette procession. Pendant ce temps, le personnel du temple chantait des chansons d’amour, dont beaucoup existent encore (Sefati 1998 :25,120-364). La resplendissante Inanna accueillait Dumuzi à la porte qui, sur le vase d’Uruk, est flanquée de sa signature, et là, il se présente à elle avec de somptueux cadeaux. Ensuite, les deux s’assoyaient sur leurs trônes, bien que parfois ils ne s’y asseyent qu’après l’union sexuelle (Jacobsen 1976 :38).
Les divinités entraient dans une chambre parfumée aux épices et décorée de draperies coûteuses. Allongés sur le lit de cérémonie construit pour l’occasion (Jacobsen 1976 :38), ils s’unissaient sexuellement (Henshaw 1994 :238). Ensuite, satisfaite par son amant, Inanna lui décrétait une longue vie et longue souveraineté, ainsi que fertilité et prospérité pour son pays. Elle pouvait aussi lui avoir présenté l’anneau, la tige et la ligne, emblèmes du pouvoir royale. Le rituel terminé, le peuple célébrait dans un grand festival.
Les plus anciennes « preuves directes détaillées » de ce rituel nous provient de l’époque du roi Shulgi de Ur (2095-2048), mais le premier dirigeant à être nommé « bien-aimé d’Inanna » régnait sur Uruk autour de l’an 2700 avant l’ère chrétienne, un fait qui nous indique que ce rituel se célébrait déjà à cette époque (Lapinkivi 2004 :2; Sefati 1998 :30-31).
Comment savons-nous que le rituel avait effectivement eu lieu? Certains considèrent cette question « controversée », compte tenu du manque de preuves (Henshaw 1994 :239). Quand et combien de fois avait-il lieu est également une question controversée. Toutefois, grâce à un certains nombres de poèmes où le rituel est décrit en détails, et d’autres détails « importants et fiables comme éléments de preuves », comme les « inscriptions royales, les textes économiques, etc. » (Sefati 1998 :32) nous laissent supposer que les Sumériens célébraient en effet le Mariage Sacré.
Les participants avaient-ils des relations sexuelles? Encore une fois, le sujet est controversé, certains spécialistes affirment que oui (Frayne 1983, Kramer 1969; Voir Cooper 1993 :87-88), d’autres croyant que l’acte a été « purement symbolique » (Steinkeller 1999 :133).
Qui, alors, étaient les participants? Il semble certaine que, à Uruk, le prête-souverain, le En, passait au moins une nuit rituelle dans la haute-résidence sacerdotale, la Gipar, durant laquelle nuit « il consommait son mariage avec Inanna » (Steinkeller 1999 :132). De plus, des poèmes nomment comme participants deux rois historiquement identifiables, mais seulement pour la période de 2100-2000 avant l’ère chrétienne. Un roi de Sumer ne pouvait y prendre part que s’il avait occupé le poste à Uruk et portait le titre « d’époux d’Inanna » (Steinkeller 1999 : 130-131). En l’an 2000 avant l’ère chrétienne, selon certains chercheurs, le monarque de Sumer représentait normalement Duzumi lors du rite. À la fin de la cérémonie, il recevait « l’autorité » de manipuler « les environnements humains et naturels pour une plus grande productivité et sécurité » (Wakeman 1985 :13).
Les textes se réfèrent à la femme participante seulement en tant que Inanna (Frayne 1985 :14), une possible indication qu’Inanna s’incarnait elle-même dans sa prêtresse. [3]. La candidate la plus probable aurait été la prêtresse connue sous le nom de nin-dingir, nom sumérien signifiant « Dame Divinité » ou « Dame qui est Déesse ».[4]
Un homme peut parvenir à l’autorité dans le temple d’Inanna de la communauté d’Uruk, en tant que son « serviteur de confiance » ou son conjoint, ou les deux. En effet, traditionnellement, le souverain d’Uruk et sa déesse cohabitait dans la Gipar. Le Mariage Sacré, qui d’abord conférait temporairement l’autorité à un homme, devenait une sanction religieuse pour la prise de pouvoir masculine.
Autour de l’an 2900 avant l’ère chrétienne, Inanna, incarnée dans sa Nin-dingir, [5] « choisissait le En [d’Uruk] » (Wakeman 1985 :23). Vers 2300 avant notre ère, cependant, le roi de Mésopotamie s’est approprié le droit de nommer un En. [6] Finalement, autour de 2100 avant l’ère chrétienne, la Nin-dingir/Entu devient simplement la conjointe du dieu de la ville qu’elle sert/ou l’épouse de Dumuzi. De plus, après l’an 1700 avant notre ère, environ, le titre d’Entu disparut des textes d’archives (Frayne 1985 :22). Parallèlement, le Mariage Sacré a également été modifié, jusqu’à ce que, dans sa dernière forme, il n’impliqua plus que deux statues (Cooper 1993 :91; Frayne 1985 :22).
Selon Steinkeller, « le plus ancien panthéon sumérien était dominé par des divinités féminines », et une déesse, la divine « propriétaire » de la plupart des premières villes, « contrôlait… la fertilité, la procréation, la guérison et la mort ». Chacune d’elles formait un couple avec un dieu, « une personnification du pouvoir reproducteur masculin ». Au fil du temps, le pouvoir des divinités masculines s’accrut, « bien qu’il n’a jamais remplacé celui des déesses » (1999 :113). Sans doute la domination d’Inanna dans le Mariage Sacré (Jacobsen 1976 :39-40) reflète la pensée de ces premiers temps, lorsque le Mariage Sacré se centrait sur les déesses. Est-il possible que la cérémonie initiale n’était célébrée qu’avec elles seules?
Une partie de la réponse réside, je pense, dans une passionnante théorie défendue par Douglas Frayne, un sumérologue, qui présente une explication convaincante. [7] Après avoir démontré que Nin-dingir et Entu se référaient à la même fonction, Frayne suggère que cette prêtresse était l’Inanna dont parlent les poèmes sur le Mariage Sacré. Il réexamine ensuite les données disponibles et conclut que le rituel fait partie intégrante de l’ordination des « nouvelles prêtresses Entu » (Frayne 1985 :12ff., 14-18).
Pour appuyer sa théorie, Frayne examine ce que les chercheurs appellent « les formules de l’année »; les Mésopotamiens donnaient un nom à chaque année en rapport avec ses événements significatifs, et l’enregistraient sur les briques (Cohen 1993 :4). Un de ces événements était l’instauration d’un En : par exemple, « l’année où l’Entu de Nanna était choisie par les présages » ou « L’année où Nur-Adad instaura l’Entu de Utu [le dieu soleil] » (Frayne 1985 :15). Cette dernière correspond à un passage dans une « lettre littéraire de Sin-Iddinam », qui décrit des événements du début du règne de son père Nud-Adad :
« Une prêtresse Entu qui perfectionnait les rites d’immaculée lustration, il installa pour [Utu] dans sa Gipar. Du soir au matin, il ajouta [offrandes?], et le remplissait d’abondance » (Frayne 1985 : 15).
La dernière phrase rappelle comment le souverain apporte des cadeaux à Inanna lors du Mariage Sacré.
Frayne se rapporte ensuite aux textes d’archives où sont enregistrés les « débours pour les matériaux qui ont été utilisés pour construire les objets du culte, ou qui ont été utilisés dans les cérémonies… » (1985 :17). Un d’entre eux, presque certainement lié à l’installation d’une Entu, énumère une liste d’objets de culte : « trône pour la femme/ un lit… » Les hymnes du Mariage Sacré décrivent souvent la mise en place d’un lit et d’un trôle avant le rituel (Frayne 1985 : 18ff). Ainsi, Frayne conclut que l’installation d’une Nin-Dingir/Entu a entraîné la célébration du Mariage Sacré.
La question est : pourquoi? La Nin-Dingir/Entu était probablement la prêtresse qui, à Uruk, incarnait Inanna, et dans les autres citées incarnait la moitié divine féminine du couple qui protégeait la cité (Steinkeller 1999 :123). Si son installation nécessitait le Mariage Sacré, elle pourrait également avoir incarné Inanna. Les Mésopotamiens voyaient clairement Inanna comme étant liée à la fécondité. À l’origine, alors, le rituel a pu en être un de fertilité, une possibilité appuyée par la suggestion de Wakeman voulant que le Mariage Sacré était la partie centrale d’un très ancien festival de récoltes d’Uruk [8].
Mon haut champ qui est celui bien arrosé
Ma propre nudité, bien arrosée, tertre qui s’élève
Moi, la jeune fille qui laboure cela? …
Jeune fille, puisse le roi labourer cela pour vous,
Puisse Dumuzi, le roi, labourer cela pour vous!
(Sefati 1998 :225)
Le peuple agraire Sumérien assimilait métaphoriquement le labourage de la terre avec les rapports sexuels (Jacobsen 1976 :46). Par conséquent, il semble raisonnable de supposer que « la Déesse sur Terre » Inanna, dont le corps était identifié aux terres arables, ne serait pas capable d’apporter la fertilité à la terre, jusqu’à ce qu’elle-même, au moins potentiellement, devienne fertile. Ainsi, le Mariage Sacré pourrait avoir été partie intégrante de la Nin-Dingir/Entu en tant que Inanna, car, je suppose, comme la terre, elle avait à être « labourée » pour être fertile et apporter la fécondité et la prospérité à Sumer.
Peut-être alors que le rite du Mariage Sacré ne se préoccupait aucunement pas à l’origine de couronner un roi, mais se préoccupait plutôt de la Déesse; peut-être qu’il s’agissait d’un rituel « d’activation », rendant fertile une « Déesse sur Terre ». À cette fin, la cérémonie a entraîné l’accouplement rituel entre l’Entu désignée et, disons, un prêtre du temple, puisque pour les Mésopotamiens, la fertilité sur la terre, comme au ciel, résultait de l’union du masculin et du féminin.
Le rituel aurait, je théorise, ordonné la prêtresse comme représentante d’Inanna – de manière permanente – et, pour une courte période de temps, le prêtre aurait incarné son divin amant. Toutefois, avoir incarné une divinité, même si ce n’est que temporairement, l’a rendu à part des autres : pour un moment, il a été un dieu!
À un certain point, un prêtre pourrait avoir vu un avantage à continuer d’incarner l’amant de la déesse, en usant de son rôle charismatique pour atteindre le pouvoir dans la communauté. En fait, il pourrait avoir été le premier En!
Selon Kramer, le Mariage Sacré a été célébré pendant plusieurs générations avant que les Sumériens n’y associent Dumuzi (1969:57-8). En outre, Dumuzi apparaît dans la « liste des rois » sumérien comme un des premiers En d’Uruk (Kramer 1969 :328). Serait-ce ce Dumuzi qui s’est approprié le rituel d’accouplement comme une validation de la royauté? En tant que En, il aurait été le principal responsable administratif du temple et de ses domaines, en effet le gouverneur de la cité (Steinkeller 1999 :105; Henshaw 1994 :44). Possiblement un général talentueux, il aurait pu augmenter lentement l’importance de son rôle à travers l’activité militaire aux besoins de la cité. Néanmoins, il serait resté conscient de l’importance de poursuivre sa relation avec Inanna et de garder le titre d’En pour rappeler celle-ci.
Plusieurs hommes En se sont succédés, maintenant peut-être utilisaient-ils le titre de Lugal, c’est-à-dire « grand homme », en plus, jusqu’à ce que graduellement ils devinrent rois de leur propre chef. [9] Le point de vue de Steinkeller, que la carte de prêtres En était la forme originale de la royauté à Sumer », supporte cette théorie (1999 :122). Cependant, comme plusieurs rois mésopotamiens plus tardifs semblent avoir fait, les premiers En/Lugals devaient avoir une relation avec Inanna pour confirmer leur royauté. Bien qu’éventuellement les rois mésopotamiens gouvernent sans référence à l’Entu ou au rite du Mariage Sacré, beaucoup d’entre eux continuèrent de se nommer eux-mêmes « bien-aimé » ou « époux » d’Inanna ou de son homologue babylonienne Ishtar (Lapinkivi 2004 :59-62).
Comme nous l’avons vu, Mary Wakeman fait valoir que le Mariage Sacré aurait à l’origine été créé pour donner une sanction religieuse aux hommes qui exerçaient un pouvoir. Bien que cette explication mette en lumière la façon dont une ville de plus en plus dominée par l’homme peut avoir exploité le rituel, elle n’explique pas pourquoi la cité aurait eu besoin d’utiliser ce rite particulier plutôt que d’en développer un tout autre, moins axé sur le pouvoir de la déesse. L’explication n’élabore pas non plus de l’origine du rituel. J’ai émis l’hypothèse, toutefois, que le Mariage Sacré était à l’origine un rituel pour l’activation d’une Nin-Dingir/Entu et ainsi assurer la fertilité de ses terres. Non seulement cette suggestion expliquerait-elle les références historiquement attestées de l’association du Mariage Sacré avec l’installation d’Entus, mais aussi éclaire-t-elle également les éléments puissants de fertilité dans ce rituel.
L’inviolabilité de la tradition religieuse expliquerait pourquoi une société de plus en plus dominée par les hommes aurait été forcée de continuer à utiliser ce rituel pour parvenir à ses propres fins; pourquoi le rituel a survécu pendant si longtemps; et pourquoi, même après que la Entu ait disparu des textes d’archives, la plupart des rois de Mésopotamie ont continué de s’appeler eux-mêmes « époux /bien-aimé/ d’Inanna-Ishtar.
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Notes
[1] Ou une déesse de la cité, normalement mais pas toujours, est identifiée à Inanna et un dieu de la cité normalement mais pas toujours, est identifié à Dumuzi (Voir Steinkeller 1999 :130-131).
[2] Pour une revue des interprétations du rituel, voir Lapinkivi 2004 :3-13.
[3] L’Incarnation ou la possession par les esprits est un phénomène commun à plusieurs religions d’aujourd’hui et du passé. Une divinité ou un esprit prend le corps d’un médium (souvent incorrectement appelé shaman) dans le but d’entrer en communication avec ses fidèles (Bowker 1997 :884-885, 1083-1084). Il n’y a aucune raison de penser que les religions mésopotamiennes étaient exemptes de cette pratique.
[4] Voir aussi Steinkeller (1999 :120-121) pour une interprétation différente du rôle de cette fonction religieuse.
[5] Dans la langue sumérienne, un langage sans genre (sans féminin/masculin), En peut être féminin ou masculin (Henshaw 1994 :44). Dans les langages sémitiques où le genre existe, les équivalents pour En sont Enu et Entu, et la dernière signification Nin-Dingir, « Déesse sur Terre » (Frayne 1985 :14; Henshaw 1994 :45-51).
[6] Par exemple, le roi mésopotamien Sargon (vers 2300 avant l’ère chrétienne) nomma sa fille Enheduanna comme Entu du dieu Nanna, divinité protectrice de la cité d’Ur.
[7] Jerrold Cooper n’est pas d’accord avec la thèse de Frayne, comme d’autres universitaires (Cooper 1993 :88-89).
[8] Tout comme Jacobsen, Wakeman dit que, à Uruk, Dumuzi était « le pouvoir inhérent aux nourritures saisonnières (céréales, lait, dates) » et Inanna, dont les temples était le lieu où ces produits étaient déposés, était le pouvoir dans l’entrepôt (Wakeman 1985 :12; Jacobsen 1976 :36)é
[9] Le mot sumérien Lugal signifia éventuellement « roi ». Voir Steinkeller 1999 :105, 112 et suivantes.
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Bibliographie
Bowker, John. The Oxford Dictionary of World Religions. 1997.
Cohen, Mark E. The Cultic Calendars of the Ancient Near East. 1993
Cooper, Jerrold S. Sacred Marriage and Popular Cult in Early Mesopotamia. 1993
Frayne, Douglas. Notes on the Sacred Marriage Rite. 1985
Gadon, Elinor W. The Once and Future Goddess : A Symbol for Our Time. 1989
Henshaw, Richard A. Female and Male, the Cultic Personnel : The Bible and the Rest of Ancient Near East. 1994
Jacobsen, Thorkild. The Treasures of Darkness : A History of Mesopotamian Religion. 1976
Kramer, Samuel N. The Sacred Marriage : Aspects of Faith, Myth and Ritual in Ancient Sumer. 1969
Lapinkivi, Pirjo. The Sumerian Sacred Mariage in the Light of Comparative Evidence. 2004
Meador, Betty D.S. Inanna, Lady of Largest Heart : Poems of the Sumerian High Priestess Enheduanna. 2000
Sefati, Yitschark. Love songs in Sumerian Literature : Critical Edition of the Dumuzi-Inanna Songs. 1998
Steinkeller, Piotr. Priests and Officials in the Ancient Near East : Papers of the Second Colloquium on the Ancient Near East, The Middle Eastern Culture Center in Japan. 1999
Teubal Savina. Sarah the Priestess : The First Matriarch of Genesis. 1983
Wakeman, Mary K. Ancient Sumer and the Women’s Movement; The Process of Reaching Behind, Encompassing and Going Beyond. 1985
« Le roi va tête haute vers les saintes cuisses
Va tête haute vers les saintes cuisses d’Inanna
[Dumuzi] couche avec elle
Il se délecte de ses pures cuisses »
(Sefati 1998 :105)
Le Mariage Sacré était « joyeusement et ravissement » célébré dans l’est de la Méditerranée pendant plus de deux mille ans (Kramer 1969 : 49). Le Mariage Sacré est assimilé au Hieros Gamos des Classiques grecs, originellement le mariage de Zeus et de Héra, mais les Classiques utilisaient le terme pour désigner les alliances entre d’autres divinités ou des divinités et des humains, particulièrement lorsque soulignés par un rituel. Sir James Frazer (1854-1941), auteur de « The Golden Bough » donna au terme le sens plus large de « actes sexuels mythiques et rituels » liés à la fertilité (Cooper 1993 : 82).
Bien que, pour la Mésopotamie antique, le terme fasse référence au « rituel de mariage entre deux divinités ou un humain et une divinité » (Cooper 1993 : 82), les participants représentaient les divinités : habituellement Inanna-Ishtar et Dumuzi-Tammuz [1]. Dans les temps anciens, l’objectif principal de ce rituel était de « lancer un bon sort pour le roi et son pays » (Lapinkivi 2004 :7). [2] Néanmoins, comme je l’expliquerai plus tard, les premiers prêtres pourraient avoir transformé le rite pour l’adapter selon leur volonté, mais à l’origine, ce rite avait une toute autre fonction.
À partir des hymnes existantes, on peut comprendre ce qui se passait lors du rituel (Lapinkivi 2004 : 47, #29;50, #35). Tout d’abord, Inanna était baignée, parfumée et parée, tandis que Dumuzi et sa suite procédaient vers son sanctuaire. Le célèbre vase d’Uruk peut représenter cette procession. Pendant ce temps, le personnel du temple chantait des chansons d’amour, dont beaucoup existent encore (Sefati 1998 :25,120-364). La resplendissante Inanna accueillait Dumuzi à la porte qui, sur le vase d’Uruk, est flanquée de sa signature, et là, il se présente à elle avec de somptueux cadeaux. Ensuite, les deux s’assoyaient sur leurs trônes, bien que parfois ils ne s’y asseyent qu’après l’union sexuelle (Jacobsen 1976 :38).
Les divinités entraient dans une chambre parfumée aux épices et décorée de draperies coûteuses. Allongés sur le lit de cérémonie construit pour l’occasion (Jacobsen 1976 :38), ils s’unissaient sexuellement (Henshaw 1994 :238). Ensuite, satisfaite par son amant, Inanna lui décrétait une longue vie et longue souveraineté, ainsi que fertilité et prospérité pour son pays. Elle pouvait aussi lui avoir présenté l’anneau, la tige et la ligne, emblèmes du pouvoir royale. Le rituel terminé, le peuple célébrait dans un grand festival.
Les plus anciennes « preuves directes détaillées » de ce rituel nous provient de l’époque du roi Shulgi de Ur (2095-2048), mais le premier dirigeant à être nommé « bien-aimé d’Inanna » régnait sur Uruk autour de l’an 2700 avant l’ère chrétienne, un fait qui nous indique que ce rituel se célébrait déjà à cette époque (Lapinkivi 2004 :2; Sefati 1998 :30-31).
Comment savons-nous que le rituel avait effectivement eu lieu? Certains considèrent cette question « controversée », compte tenu du manque de preuves (Henshaw 1994 :239). Quand et combien de fois avait-il lieu est également une question controversée. Toutefois, grâce à un certains nombres de poèmes où le rituel est décrit en détails, et d’autres détails « importants et fiables comme éléments de preuves », comme les « inscriptions royales, les textes économiques, etc. » (Sefati 1998 :32) nous laissent supposer que les Sumériens célébraient en effet le Mariage Sacré.
Les participants avaient-ils des relations sexuelles? Encore une fois, le sujet est controversé, certains spécialistes affirment que oui (Frayne 1983, Kramer 1969; Voir Cooper 1993 :87-88), d’autres croyant que l’acte a été « purement symbolique » (Steinkeller 1999 :133).
Qui, alors, étaient les participants? Il semble certaine que, à Uruk, le prête-souverain, le En, passait au moins une nuit rituelle dans la haute-résidence sacerdotale, la Gipar, durant laquelle nuit « il consommait son mariage avec Inanna » (Steinkeller 1999 :132). De plus, des poèmes nomment comme participants deux rois historiquement identifiables, mais seulement pour la période de 2100-2000 avant l’ère chrétienne. Un roi de Sumer ne pouvait y prendre part que s’il avait occupé le poste à Uruk et portait le titre « d’époux d’Inanna » (Steinkeller 1999 : 130-131). En l’an 2000 avant l’ère chrétienne, selon certains chercheurs, le monarque de Sumer représentait normalement Duzumi lors du rite. À la fin de la cérémonie, il recevait « l’autorité » de manipuler « les environnements humains et naturels pour une plus grande productivité et sécurité » (Wakeman 1985 :13).
Les textes se réfèrent à la femme participante seulement en tant que Inanna (Frayne 1985 :14), une possible indication qu’Inanna s’incarnait elle-même dans sa prêtresse. [3]. La candidate la plus probable aurait été la prêtresse connue sous le nom de nin-dingir, nom sumérien signifiant « Dame Divinité » ou « Dame qui est Déesse ».[4]
Un homme peut parvenir à l’autorité dans le temple d’Inanna de la communauté d’Uruk, en tant que son « serviteur de confiance » ou son conjoint, ou les deux. En effet, traditionnellement, le souverain d’Uruk et sa déesse cohabitait dans la Gipar. Le Mariage Sacré, qui d’abord conférait temporairement l’autorité à un homme, devenait une sanction religieuse pour la prise de pouvoir masculine.
Autour de l’an 2900 avant l’ère chrétienne, Inanna, incarnée dans sa Nin-dingir, [5] « choisissait le En [d’Uruk] » (Wakeman 1985 :23). Vers 2300 avant notre ère, cependant, le roi de Mésopotamie s’est approprié le droit de nommer un En. [6] Finalement, autour de 2100 avant l’ère chrétienne, la Nin-dingir/Entu devient simplement la conjointe du dieu de la ville qu’elle sert/ou l’épouse de Dumuzi. De plus, après l’an 1700 avant notre ère, environ, le titre d’Entu disparut des textes d’archives (Frayne 1985 :22). Parallèlement, le Mariage Sacré a également été modifié, jusqu’à ce que, dans sa dernière forme, il n’impliqua plus que deux statues (Cooper 1993 :91; Frayne 1985 :22).
Selon Steinkeller, « le plus ancien panthéon sumérien était dominé par des divinités féminines », et une déesse, la divine « propriétaire » de la plupart des premières villes, « contrôlait… la fertilité, la procréation, la guérison et la mort ». Chacune d’elles formait un couple avec un dieu, « une personnification du pouvoir reproducteur masculin ». Au fil du temps, le pouvoir des divinités masculines s’accrut, « bien qu’il n’a jamais remplacé celui des déesses » (1999 :113). Sans doute la domination d’Inanna dans le Mariage Sacré (Jacobsen 1976 :39-40) reflète la pensée de ces premiers temps, lorsque le Mariage Sacré se centrait sur les déesses. Est-il possible que la cérémonie initiale n’était célébrée qu’avec elles seules?
Une partie de la réponse réside, je pense, dans une passionnante théorie défendue par Douglas Frayne, un sumérologue, qui présente une explication convaincante. [7] Après avoir démontré que Nin-dingir et Entu se référaient à la même fonction, Frayne suggère que cette prêtresse était l’Inanna dont parlent les poèmes sur le Mariage Sacré. Il réexamine ensuite les données disponibles et conclut que le rituel fait partie intégrante de l’ordination des « nouvelles prêtresses Entu » (Frayne 1985 :12ff., 14-18).
Pour appuyer sa théorie, Frayne examine ce que les chercheurs appellent « les formules de l’année »; les Mésopotamiens donnaient un nom à chaque année en rapport avec ses événements significatifs, et l’enregistraient sur les briques (Cohen 1993 :4). Un de ces événements était l’instauration d’un En : par exemple, « l’année où l’Entu de Nanna était choisie par les présages » ou « L’année où Nur-Adad instaura l’Entu de Utu [le dieu soleil] » (Frayne 1985 :15). Cette dernière correspond à un passage dans une « lettre littéraire de Sin-Iddinam », qui décrit des événements du début du règne de son père Nud-Adad :
« Une prêtresse Entu qui perfectionnait les rites d’immaculée lustration, il installa pour [Utu] dans sa Gipar. Du soir au matin, il ajouta [offrandes?], et le remplissait d’abondance » (Frayne 1985 : 15).
La dernière phrase rappelle comment le souverain apporte des cadeaux à Inanna lors du Mariage Sacré.
Frayne se rapporte ensuite aux textes d’archives où sont enregistrés les « débours pour les matériaux qui ont été utilisés pour construire les objets du culte, ou qui ont été utilisés dans les cérémonies… » (1985 :17). Un d’entre eux, presque certainement lié à l’installation d’une Entu, énumère une liste d’objets de culte : « trône pour la femme/ un lit… » Les hymnes du Mariage Sacré décrivent souvent la mise en place d’un lit et d’un trôle avant le rituel (Frayne 1985 : 18ff). Ainsi, Frayne conclut que l’installation d’une Nin-Dingir/Entu a entraîné la célébration du Mariage Sacré.
La question est : pourquoi? La Nin-Dingir/Entu était probablement la prêtresse qui, à Uruk, incarnait Inanna, et dans les autres citées incarnait la moitié divine féminine du couple qui protégeait la cité (Steinkeller 1999 :123). Si son installation nécessitait le Mariage Sacré, elle pourrait également avoir incarné Inanna. Les Mésopotamiens voyaient clairement Inanna comme étant liée à la fécondité. À l’origine, alors, le rituel a pu en être un de fertilité, une possibilité appuyée par la suggestion de Wakeman voulant que le Mariage Sacré était la partie centrale d’un très ancien festival de récoltes d’Uruk [8].
Mon haut champ qui est celui bien arrosé
Ma propre nudité, bien arrosée, tertre qui s’élève
Moi, la jeune fille qui laboure cela? …
Jeune fille, puisse le roi labourer cela pour vous,
Puisse Dumuzi, le roi, labourer cela pour vous!
(Sefati 1998 :225)
Le peuple agraire Sumérien assimilait métaphoriquement le labourage de la terre avec les rapports sexuels (Jacobsen 1976 :46). Par conséquent, il semble raisonnable de supposer que « la Déesse sur Terre » Inanna, dont le corps était identifié aux terres arables, ne serait pas capable d’apporter la fertilité à la terre, jusqu’à ce qu’elle-même, au moins potentiellement, devienne fertile. Ainsi, le Mariage Sacré pourrait avoir été partie intégrante de la Nin-Dingir/Entu en tant que Inanna, car, je suppose, comme la terre, elle avait à être « labourée » pour être fertile et apporter la fécondité et la prospérité à Sumer.
Peut-être alors que le rite du Mariage Sacré ne se préoccupait aucunement pas à l’origine de couronner un roi, mais se préoccupait plutôt de la Déesse; peut-être qu’il s’agissait d’un rituel « d’activation », rendant fertile une « Déesse sur Terre ». À cette fin, la cérémonie a entraîné l’accouplement rituel entre l’Entu désignée et, disons, un prêtre du temple, puisque pour les Mésopotamiens, la fertilité sur la terre, comme au ciel, résultait de l’union du masculin et du féminin.
Le rituel aurait, je théorise, ordonné la prêtresse comme représentante d’Inanna – de manière permanente – et, pour une courte période de temps, le prêtre aurait incarné son divin amant. Toutefois, avoir incarné une divinité, même si ce n’est que temporairement, l’a rendu à part des autres : pour un moment, il a été un dieu!
À un certain point, un prêtre pourrait avoir vu un avantage à continuer d’incarner l’amant de la déesse, en usant de son rôle charismatique pour atteindre le pouvoir dans la communauté. En fait, il pourrait avoir été le premier En!
Selon Kramer, le Mariage Sacré a été célébré pendant plusieurs générations avant que les Sumériens n’y associent Dumuzi (1969:57-8). En outre, Dumuzi apparaît dans la « liste des rois » sumérien comme un des premiers En d’Uruk (Kramer 1969 :328). Serait-ce ce Dumuzi qui s’est approprié le rituel d’accouplement comme une validation de la royauté? En tant que En, il aurait été le principal responsable administratif du temple et de ses domaines, en effet le gouverneur de la cité (Steinkeller 1999 :105; Henshaw 1994 :44). Possiblement un général talentueux, il aurait pu augmenter lentement l’importance de son rôle à travers l’activité militaire aux besoins de la cité. Néanmoins, il serait resté conscient de l’importance de poursuivre sa relation avec Inanna et de garder le titre d’En pour rappeler celle-ci.
Plusieurs hommes En se sont succédés, maintenant peut-être utilisaient-ils le titre de Lugal, c’est-à-dire « grand homme », en plus, jusqu’à ce que graduellement ils devinrent rois de leur propre chef. [9] Le point de vue de Steinkeller, que la carte de prêtres En était la forme originale de la royauté à Sumer », supporte cette théorie (1999 :122). Cependant, comme plusieurs rois mésopotamiens plus tardifs semblent avoir fait, les premiers En/Lugals devaient avoir une relation avec Inanna pour confirmer leur royauté. Bien qu’éventuellement les rois mésopotamiens gouvernent sans référence à l’Entu ou au rite du Mariage Sacré, beaucoup d’entre eux continuèrent de se nommer eux-mêmes « bien-aimé » ou « époux » d’Inanna ou de son homologue babylonienne Ishtar (Lapinkivi 2004 :59-62).
Comme nous l’avons vu, Mary Wakeman fait valoir que le Mariage Sacré aurait à l’origine été créé pour donner une sanction religieuse aux hommes qui exerçaient un pouvoir. Bien que cette explication mette en lumière la façon dont une ville de plus en plus dominée par l’homme peut avoir exploité le rituel, elle n’explique pas pourquoi la cité aurait eu besoin d’utiliser ce rite particulier plutôt que d’en développer un tout autre, moins axé sur le pouvoir de la déesse. L’explication n’élabore pas non plus de l’origine du rituel. J’ai émis l’hypothèse, toutefois, que le Mariage Sacré était à l’origine un rituel pour l’activation d’une Nin-Dingir/Entu et ainsi assurer la fertilité de ses terres. Non seulement cette suggestion expliquerait-elle les références historiquement attestées de l’association du Mariage Sacré avec l’installation d’Entus, mais aussi éclaire-t-elle également les éléments puissants de fertilité dans ce rituel.
L’inviolabilité de la tradition religieuse expliquerait pourquoi une société de plus en plus dominée par les hommes aurait été forcée de continuer à utiliser ce rituel pour parvenir à ses propres fins; pourquoi le rituel a survécu pendant si longtemps; et pourquoi, même après que la Entu ait disparu des textes d’archives, la plupart des rois de Mésopotamie ont continué de s’appeler eux-mêmes « époux /bien-aimé/ d’Inanna-Ishtar.
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Notes
[1] Ou une déesse de la cité, normalement mais pas toujours, est identifiée à Inanna et un dieu de la cité normalement mais pas toujours, est identifié à Dumuzi (Voir Steinkeller 1999 :130-131).
[2] Pour une revue des interprétations du rituel, voir Lapinkivi 2004 :3-13.
[3] L’Incarnation ou la possession par les esprits est un phénomène commun à plusieurs religions d’aujourd’hui et du passé. Une divinité ou un esprit prend le corps d’un médium (souvent incorrectement appelé shaman) dans le but d’entrer en communication avec ses fidèles (Bowker 1997 :884-885, 1083-1084). Il n’y a aucune raison de penser que les religions mésopotamiennes étaient exemptes de cette pratique.
[4] Voir aussi Steinkeller (1999 :120-121) pour une interprétation différente du rôle de cette fonction religieuse.
[5] Dans la langue sumérienne, un langage sans genre (sans féminin/masculin), En peut être féminin ou masculin (Henshaw 1994 :44). Dans les langages sémitiques où le genre existe, les équivalents pour En sont Enu et Entu, et la dernière signification Nin-Dingir, « Déesse sur Terre » (Frayne 1985 :14; Henshaw 1994 :45-51).
[6] Par exemple, le roi mésopotamien Sargon (vers 2300 avant l’ère chrétienne) nomma sa fille Enheduanna comme Entu du dieu Nanna, divinité protectrice de la cité d’Ur.
[7] Jerrold Cooper n’est pas d’accord avec la thèse de Frayne, comme d’autres universitaires (Cooper 1993 :88-89).
[8] Tout comme Jacobsen, Wakeman dit que, à Uruk, Dumuzi était « le pouvoir inhérent aux nourritures saisonnières (céréales, lait, dates) » et Inanna, dont les temples était le lieu où ces produits étaient déposés, était le pouvoir dans l’entrepôt (Wakeman 1985 :12; Jacobsen 1976 :36)é
[9] Le mot sumérien Lugal signifia éventuellement « roi ». Voir Steinkeller 1999 :105, 112 et suivantes.
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Bibliographie
Bowker, John. The Oxford Dictionary of World Religions. 1997.
Cohen, Mark E. The Cultic Calendars of the Ancient Near East. 1993
Cooper, Jerrold S. Sacred Marriage and Popular Cult in Early Mesopotamia. 1993
Frayne, Douglas. Notes on the Sacred Marriage Rite. 1985
Gadon, Elinor W. The Once and Future Goddess : A Symbol for Our Time. 1989
Henshaw, Richard A. Female and Male, the Cultic Personnel : The Bible and the Rest of Ancient Near East. 1994
Jacobsen, Thorkild. The Treasures of Darkness : A History of Mesopotamian Religion. 1976
Kramer, Samuel N. The Sacred Marriage : Aspects of Faith, Myth and Ritual in Ancient Sumer. 1969
Lapinkivi, Pirjo. The Sumerian Sacred Mariage in the Light of Comparative Evidence. 2004
Meador, Betty D.S. Inanna, Lady of Largest Heart : Poems of the Sumerian High Priestess Enheduanna. 2000
Sefati, Yitschark. Love songs in Sumerian Literature : Critical Edition of the Dumuzi-Inanna Songs. 1998
Steinkeller, Piotr. Priests and Officials in the Ancient Near East : Papers of the Second Colloquium on the Ancient Near East, The Middle Eastern Culture Center in Japan. 1999
Teubal Savina. Sarah the Priestess : The First Matriarch of Genesis. 1983
Wakeman, Mary K. Ancient Sumer and the Women’s Movement; The Process of Reaching Behind, Encompassing and Going Beyond. 1985