:: Asherah : Déesse suprême du Levant antique
- Traduit et adapté par Ishara Labyris de l'article "Asherah, Supreme Goddess of Ancient Levant" de Johanna Stuckey paru sur le site Matrifocus.com
"Dès que El la vit, Il ouvrit la bouche et se mit à rire ; …
il éleva la voix et cria :
"Pourquoi Dame Asherah-de-la-Mer est-elle venue?
pourquoi la Mère des Dieux est-elle venue?"
(Coogan 1978:100)
Bien que les textes de l'ancienne cité syrienne d'Ugarit ne mentionne pas explicitement Asherah comme étant l'épouse de la divinité masculin suprême, elle était arguablement sa contrepartie féminine, parce qu'elle était "Elat", Déesse, à son "El", Dieu. (Hadley 2000:38). En effet, Asherah et El étaient comme un "couple suprême" et leur descendance incluait "toutes les autres divinités de la première génération" (Olmo Lete 1999:47). Comme El, Asherah était principalement une figure d'autorité, mais l'autorité qu'accorde une culture patriarcale à une figure féminine. Comme d'autres déesses ugaritiques, Asherah portait un fuseau, qui l'identifiait comme étant féminine et domestique (Coogan 1978:97; Hadley 2000:39).
Apparaissant presque tout en haut des listes de divinités et d'offrandes, Asherah était très certainement une déesse importante à Ugarit (Binger 1997:89). Son nom complet, "athirat yam", approprié pour la déesse patronne du commerce maritime de la ville, signifie "Elle marche sur la mer" (Coogan 1978:116; Hadley 2000:49-51). Dans les mythes, si elle n'a pas un rôle central, Asherah joue tout de même une partie critique. Elle "a suffisament de pouvoir pour convaincre El de suivre ses conseils concernant la succession de Baal" (Hadley 2000:39; Coogan 1978:111).
Puisqu'une de ses épithètes était "Créatrice des dieux" ou "Progénétrice des dieux" (Coogan 1978:97) et que ses fils étaient au nombre de soixante-dix, ce qui est beaucoup (Coogan 1978:104), Asherah était probablement une "déesse-mère". Certainement une "créatrice" ou une "nourrice" des dieux, Asherah était "d'une manière ou d'une autre liée à la naissance et à la fertilité" (Hadley 2000:43). Toutefois, compte tenu de son autorité et de son rôle au pouvoir, il est très peu probable qu'elle ne fut qu'une déesse de fertilité.
Une des fonctions d'Asherah semble avoir été d'agir comme médiatrice entre les autres divinités et le dieu suprême, El. Bien que l'approche de certaines divinités agressives, Anat et Baal, la terrifie d'abord, Asherah se calme après qu'ils aient déposé de somptueux cadeaux près d'elle, et, clairement plus "gradée" qu'eux, elle entreprend d'approcher El en leur nom (Coogan 1978:98, 99-101; Hadley 2002:39).
Asherah pouvait aussi être féroce dans la défense de ses prérogatives. Dans un poème, Kirta, sa punition sur un homme qui brisa son voeu fut à la fois rapide et sévère (Coogan 1978:67; Hadley 2000:41). C'est ce poème qui mentionne sa position suprême à deux autres cités importantes du Levant antique, des cités qu'elle semble avoir gouverné même à l'époque romaine (Hadley 2000:42). Elle est "Asherah de Tyre" et "la déesse [elat] de Sidon" (Coogan 1978:63). Le poème utilise également le mot "Qudshu", que certains traducteurs traduisent par le mot "sanctuaire" (Coogan 1978:63), mais que d'autres traduisent par "la Sainte", probablement une épithète d'Asherah (Hadley 2000:47). Le fait que El promit au roi Kirta qu'Asherah alléterait l'héritier royal suggère qu'Asherah était également "une divine garante du trône" (Pettey 1990:16).
La déesse patronne de la cité d'Ugarit était également vénérée dans d'autres régions du Levant, et un bon nombre de faits suggèrent qu'Asherah ait pu avoir un lien très spécial avec les arbres. Une telle relation n'est pas surprenante puisque, généralement dans l'antique méditerranée de l'est, les déesses et ce que les chercheurs appellent les "arbres sacrés" vont de pair.
Trouvée dans les fouilles cananéennes datant de la fin de l'Âge de Bronze, l'aiguière cananéenne de Lakis daterait de la fin du 13e siècle de notre ère (Hestrin 1987:212). Sa décoration consiste en une rangée d'animaux et d'arbres, "au-dessus desquels se trouve une inscription : "Mattan. Une offrande à ma Dame 'Elat' " (Hestrin 1987: 211, 214). Une personne prénommée Mattan présenta cette aiguière et probablement son contenant au temple de la déesse Elat (Hadley 2000:159). Ce qui est vraiment intriguant c'est que le mot pour dire déesse, Elat, est positionné juste au-dessus d'un des arbres stylisés (Hadley 2000: 156, 157 #8). L'artiste termina ses dessins, puis écrivit l'inscription (Hadley 2000: 160), de sorte que la position de l'inscription n'est pas due au hasard (Hestrin 1987:220). De cette façon, le mot "Elat" fut probablement placé là pour désigner l'arbre comme étant la déesse, pour indiquer qu'il "représente sa présence" (Smith 1990:82). Cependant, à quelle déesse levantine le mot Elat est-il attribué? Dans la Bible hébraïque, elah, la forme grammaticale féminine de el, apparaît soixante-dix fois, mais est toujours traduit comme "chêne" ou "térébinthe", un arbre existant. De plus, "toutes les autres apparitions de ce mot peuvent être traduites par le mot "arbre" sans changer le sens du texte, mais à certains endroits, la traduction pourrait tout autant être "déesse" (Binger 1997:135). Dans les textes ugaritiques, bien que elat puisse signifier déesse d'une manière générale", c'est également un des titres d'Asherah, "presque un nom" (Pettyer 1990:13). C'est pourquoi bon nombre de chercheurs pensent que Elat sur l'aiguière de Lakis nomme la déesse cananéenne Asherah (Hadley 2000:159-160; Keel et Uehlinger 1998:181; Smith 1990:82; Hestrin 1987:220). Toutefois, son identification ne prouve pas, de manière concluante, que l'arbre sacré levantin représente toujours Asherah, bien qu'il est clair que l'arbre sacré représente un ou toutes les déesses.
Un autre artéfact trouvé également dans les fouilles de Lakis prouvent notre argumentation. Il s'agit d'un gobelet décoré par "deux bouquetins qui se font face, dessinés quatre fois" (Hestrin 1987:215). Ils ne sont pas flanqués d'un arbre, mais "par un triangle inversé et parsemé de petits points" (Keel 1998:24; Part 1, #50; Hestrin 1991:55; Hestrin 1987:215). La plupart des chercheurs pensent que ce triangle inversé représente le triangle du pubis (Keel et Uehlinger 1998:72); Hestrin 1991:55; Hestrin 1987:215). Ils voient alors que sur cette image bien-connue l'arbre sacré est remplacé par le symbole de la vulve", ce qui rend très probable que l'arbre symbolise en effet la déesse de la fertilité... (Hestrin 1987:215). En réponses aux doutes de d'autres chercheurs, Othmar Keel affirme que des preuves trouvées dans trois différents sites en Israël, publiées récemment, confirment que les triangles sur le gobelet de Lakis représentent en effet des triangles pubiques (Keel 1998:34-35, Part I, #51, 52).
Il est clair que, dans le Levant de l'Âge de Bronze, les arbres étaient synonymes de déesses. Non seulement a-t-on trouvé des pendantifs dépeignant des déesses avec des arbres sortant de leur vulve (triangle), des sceaux et d'autres artéfacts démontrant des arbres complets et des animaux autour, tout près des déesses, mais le plus magnifique des objets trouvés à Ugarit est sans contredit celui qui représente la déesse comme un arbre. Sur le fragment du couvercle d'une boîte en ivoire, une déesse se trouve dans la position qu'occuperait normalement un arbre, nourrissant des animaux (possiblement des chèvres), par de la végétation qu'elle tient dans ses deux mains (Keel 1998: Part I, #43; Patai 1990: Plate 19).
En dépit de cet exquis témoignage tardif de l'Âge de Bronze, qui identifie la déesse et l'arbre, Keel démontre que, à cette époque, l'image de la déesse est "dans une large mesure remplacée par un arbre, flanqué de caprinés (Keel 1998:35). Graduellement, durant l'Âge de Fer, l'image de l'arbre sacré et ses animaux devinrent rare en Israël et en Judée (Keel et Uehlinger 1998:399-400), bien qu'ils continuèrent à être d'importants symboles dans les cultures de la Méditerranée de l'est et environs. Le symbole de l'arbre, toutefois, peut avoir survécu en Judée sous la forme du "chandelier à sept branches de la tradition sacerdotale" (Keel 1998:56).
De ses textes mythiques et cultuels, nous avons vu qu'Asherah était la déesse patronne d'Ugarit, comme celle de d'autres cités, notamment Tyre et Sidon. Sans aucun doute, Asherah continua d'être une déesse importante dans le Levant, durant le premier millénaire avant notre ère, et particulièrement dans certaines localités. De plus, il est possible qu'elle fut, pour un temps, épouse du dieu d'Israël, Yahweh. Toutefois, il était du destin d'Asherah, comme de celui d'Anath et d'Astarté, de commencer à disparaître en tant que divinité distincte.
L'identité de la carthaginoise Tanit a été l'objet d'une dispute parmi les chercheurs, comparaisons faites avec les trois grandes déesses cananéennes (Pettey 1990:32). Toutefois, il semble maintenant qu'on s'accorde pour dire qu'Asherah survécut en Tanit, la déesse patronne de la colonie phénicienne de Carthage dans l'Afrique du Nord (Petter 1990:32). Grâce aux Carthaginois, le culte de Tanit/Asherah se répandit bien plus loin que son point d'origine levantine, partout à travers la Méditerranée et dans l'Europe occidentale. De plus, comme nous l'avons vue, durant l'époque romaine, la grande déesse Atargatis fut vénérée dans le Levant, et son nom indique qu'elle était probablement la fusion de trois grandes déesses levantines (Pettey 1990: 32-33).
S'étendant de la Syrie dans toute la Méditerranée, le culte d'Atargatis continua au moins jusqu'au troisième siècle de notre ère (Godwin 1981:150-152, 158 #124). Ainsi, Asherah et ses déesses-soeurs survécurent, intégrées dans la puissante et vénérée "Déesse Syrienne".
Bibliographie (en anglais)
+ Binger, Tilde 1997. Asherah: Goddesses in Ugarit, Israel and the Old Testament. Sheffield, UK: Sheffield Academic. Journal for the Study of the Old Testament, Supplement Series 232.
+ Coogan, Michael D., tr. 1978. Stories from Ancient Canaan. Louisville, KY:
+ Godwin, Joscelyn 1981. Mystery Religions in the Ancient World. London: Thames and Hudson.
+ Hadley, Judith M. 2000. The Cult of Asherah in Ancient Israel and Judah: Evidence for a Hebrew Goddess. Cambridge: Cambridge University.
+ Hestrin, Ruth 1987. "The Lachish Ewer and the `Asherah," Israel Exploration Journal 37:212-223.
+ Keel, Othmar 1998. Goddesses and Trees, New Moon and Yahweh: Ancient Near Eastern Art and the Hebrew Bible. Sheffield, UK: Sheffield Academic.
+ Keel, Othmar and Christoph Uehlinger 1998. Gods, Goddesses, and Images of God in Ancient Israel. Minneapolis, MN: Fortress.
+ Negbi, Ora 1976. Canaanite Gods in Metal: An Archaeological Study of Ancient Syro-Palestinian Figures. Tel Aviv: Tel Aviv University.
+ Olmo Lete, Gregorio del 1999. Canaanite Religion According to the Liturgical Texts of Ugarit. Bethesda, MD: CDL.
+ Patai, Raphael 1990 (1978). The Hebrew Goddess: Third Enlarged Edition. Detroit, MI: Wayne State University.
+ Pettey, Richard J. 1990. Asherah: Goddess of Israel. New York: Lang.
+ Smith, Mark S. 1990. The Early History of God: Yahweh and the Other Deities in Ancient Israel. San Francisco: Harper and Row.
+ Tubb, Jonathan N. 1998. Canaanites. Norman, OK: University of Oklahoma.
"Dès que El la vit, Il ouvrit la bouche et se mit à rire ; …
il éleva la voix et cria :
"Pourquoi Dame Asherah-de-la-Mer est-elle venue?
pourquoi la Mère des Dieux est-elle venue?"
(Coogan 1978:100)
Bien que les textes de l'ancienne cité syrienne d'Ugarit ne mentionne pas explicitement Asherah comme étant l'épouse de la divinité masculin suprême, elle était arguablement sa contrepartie féminine, parce qu'elle était "Elat", Déesse, à son "El", Dieu. (Hadley 2000:38). En effet, Asherah et El étaient comme un "couple suprême" et leur descendance incluait "toutes les autres divinités de la première génération" (Olmo Lete 1999:47). Comme El, Asherah était principalement une figure d'autorité, mais l'autorité qu'accorde une culture patriarcale à une figure féminine. Comme d'autres déesses ugaritiques, Asherah portait un fuseau, qui l'identifiait comme étant féminine et domestique (Coogan 1978:97; Hadley 2000:39).
Apparaissant presque tout en haut des listes de divinités et d'offrandes, Asherah était très certainement une déesse importante à Ugarit (Binger 1997:89). Son nom complet, "athirat yam", approprié pour la déesse patronne du commerce maritime de la ville, signifie "Elle marche sur la mer" (Coogan 1978:116; Hadley 2000:49-51). Dans les mythes, si elle n'a pas un rôle central, Asherah joue tout de même une partie critique. Elle "a suffisament de pouvoir pour convaincre El de suivre ses conseils concernant la succession de Baal" (Hadley 2000:39; Coogan 1978:111).
Puisqu'une de ses épithètes était "Créatrice des dieux" ou "Progénétrice des dieux" (Coogan 1978:97) et que ses fils étaient au nombre de soixante-dix, ce qui est beaucoup (Coogan 1978:104), Asherah était probablement une "déesse-mère". Certainement une "créatrice" ou une "nourrice" des dieux, Asherah était "d'une manière ou d'une autre liée à la naissance et à la fertilité" (Hadley 2000:43). Toutefois, compte tenu de son autorité et de son rôle au pouvoir, il est très peu probable qu'elle ne fut qu'une déesse de fertilité.
Une des fonctions d'Asherah semble avoir été d'agir comme médiatrice entre les autres divinités et le dieu suprême, El. Bien que l'approche de certaines divinités agressives, Anat et Baal, la terrifie d'abord, Asherah se calme après qu'ils aient déposé de somptueux cadeaux près d'elle, et, clairement plus "gradée" qu'eux, elle entreprend d'approcher El en leur nom (Coogan 1978:98, 99-101; Hadley 2002:39).
Asherah pouvait aussi être féroce dans la défense de ses prérogatives. Dans un poème, Kirta, sa punition sur un homme qui brisa son voeu fut à la fois rapide et sévère (Coogan 1978:67; Hadley 2000:41). C'est ce poème qui mentionne sa position suprême à deux autres cités importantes du Levant antique, des cités qu'elle semble avoir gouverné même à l'époque romaine (Hadley 2000:42). Elle est "Asherah de Tyre" et "la déesse [elat] de Sidon" (Coogan 1978:63). Le poème utilise également le mot "Qudshu", que certains traducteurs traduisent par le mot "sanctuaire" (Coogan 1978:63), mais que d'autres traduisent par "la Sainte", probablement une épithète d'Asherah (Hadley 2000:47). Le fait que El promit au roi Kirta qu'Asherah alléterait l'héritier royal suggère qu'Asherah était également "une divine garante du trône" (Pettey 1990:16).
La déesse patronne de la cité d'Ugarit était également vénérée dans d'autres régions du Levant, et un bon nombre de faits suggèrent qu'Asherah ait pu avoir un lien très spécial avec les arbres. Une telle relation n'est pas surprenante puisque, généralement dans l'antique méditerranée de l'est, les déesses et ce que les chercheurs appellent les "arbres sacrés" vont de pair.
Trouvée dans les fouilles cananéennes datant de la fin de l'Âge de Bronze, l'aiguière cananéenne de Lakis daterait de la fin du 13e siècle de notre ère (Hestrin 1987:212). Sa décoration consiste en une rangée d'animaux et d'arbres, "au-dessus desquels se trouve une inscription : "Mattan. Une offrande à ma Dame 'Elat' " (Hestrin 1987: 211, 214). Une personne prénommée Mattan présenta cette aiguière et probablement son contenant au temple de la déesse Elat (Hadley 2000:159). Ce qui est vraiment intriguant c'est que le mot pour dire déesse, Elat, est positionné juste au-dessus d'un des arbres stylisés (Hadley 2000: 156, 157 #8). L'artiste termina ses dessins, puis écrivit l'inscription (Hadley 2000: 160), de sorte que la position de l'inscription n'est pas due au hasard (Hestrin 1987:220). De cette façon, le mot "Elat" fut probablement placé là pour désigner l'arbre comme étant la déesse, pour indiquer qu'il "représente sa présence" (Smith 1990:82). Cependant, à quelle déesse levantine le mot Elat est-il attribué? Dans la Bible hébraïque, elah, la forme grammaticale féminine de el, apparaît soixante-dix fois, mais est toujours traduit comme "chêne" ou "térébinthe", un arbre existant. De plus, "toutes les autres apparitions de ce mot peuvent être traduites par le mot "arbre" sans changer le sens du texte, mais à certains endroits, la traduction pourrait tout autant être "déesse" (Binger 1997:135). Dans les textes ugaritiques, bien que elat puisse signifier déesse d'une manière générale", c'est également un des titres d'Asherah, "presque un nom" (Pettyer 1990:13). C'est pourquoi bon nombre de chercheurs pensent que Elat sur l'aiguière de Lakis nomme la déesse cananéenne Asherah (Hadley 2000:159-160; Keel et Uehlinger 1998:181; Smith 1990:82; Hestrin 1987:220). Toutefois, son identification ne prouve pas, de manière concluante, que l'arbre sacré levantin représente toujours Asherah, bien qu'il est clair que l'arbre sacré représente un ou toutes les déesses.
Un autre artéfact trouvé également dans les fouilles de Lakis prouvent notre argumentation. Il s'agit d'un gobelet décoré par "deux bouquetins qui se font face, dessinés quatre fois" (Hestrin 1987:215). Ils ne sont pas flanqués d'un arbre, mais "par un triangle inversé et parsemé de petits points" (Keel 1998:24; Part 1, #50; Hestrin 1991:55; Hestrin 1987:215). La plupart des chercheurs pensent que ce triangle inversé représente le triangle du pubis (Keel et Uehlinger 1998:72); Hestrin 1991:55; Hestrin 1987:215). Ils voient alors que sur cette image bien-connue l'arbre sacré est remplacé par le symbole de la vulve", ce qui rend très probable que l'arbre symbolise en effet la déesse de la fertilité... (Hestrin 1987:215). En réponses aux doutes de d'autres chercheurs, Othmar Keel affirme que des preuves trouvées dans trois différents sites en Israël, publiées récemment, confirment que les triangles sur le gobelet de Lakis représentent en effet des triangles pubiques (Keel 1998:34-35, Part I, #51, 52).
Il est clair que, dans le Levant de l'Âge de Bronze, les arbres étaient synonymes de déesses. Non seulement a-t-on trouvé des pendantifs dépeignant des déesses avec des arbres sortant de leur vulve (triangle), des sceaux et d'autres artéfacts démontrant des arbres complets et des animaux autour, tout près des déesses, mais le plus magnifique des objets trouvés à Ugarit est sans contredit celui qui représente la déesse comme un arbre. Sur le fragment du couvercle d'une boîte en ivoire, une déesse se trouve dans la position qu'occuperait normalement un arbre, nourrissant des animaux (possiblement des chèvres), par de la végétation qu'elle tient dans ses deux mains (Keel 1998: Part I, #43; Patai 1990: Plate 19).
En dépit de cet exquis témoignage tardif de l'Âge de Bronze, qui identifie la déesse et l'arbre, Keel démontre que, à cette époque, l'image de la déesse est "dans une large mesure remplacée par un arbre, flanqué de caprinés (Keel 1998:35). Graduellement, durant l'Âge de Fer, l'image de l'arbre sacré et ses animaux devinrent rare en Israël et en Judée (Keel et Uehlinger 1998:399-400), bien qu'ils continuèrent à être d'importants symboles dans les cultures de la Méditerranée de l'est et environs. Le symbole de l'arbre, toutefois, peut avoir survécu en Judée sous la forme du "chandelier à sept branches de la tradition sacerdotale" (Keel 1998:56).
De ses textes mythiques et cultuels, nous avons vu qu'Asherah était la déesse patronne d'Ugarit, comme celle de d'autres cités, notamment Tyre et Sidon. Sans aucun doute, Asherah continua d'être une déesse importante dans le Levant, durant le premier millénaire avant notre ère, et particulièrement dans certaines localités. De plus, il est possible qu'elle fut, pour un temps, épouse du dieu d'Israël, Yahweh. Toutefois, il était du destin d'Asherah, comme de celui d'Anath et d'Astarté, de commencer à disparaître en tant que divinité distincte.
L'identité de la carthaginoise Tanit a été l'objet d'une dispute parmi les chercheurs, comparaisons faites avec les trois grandes déesses cananéennes (Pettey 1990:32). Toutefois, il semble maintenant qu'on s'accorde pour dire qu'Asherah survécut en Tanit, la déesse patronne de la colonie phénicienne de Carthage dans l'Afrique du Nord (Petter 1990:32). Grâce aux Carthaginois, le culte de Tanit/Asherah se répandit bien plus loin que son point d'origine levantine, partout à travers la Méditerranée et dans l'Europe occidentale. De plus, comme nous l'avons vue, durant l'époque romaine, la grande déesse Atargatis fut vénérée dans le Levant, et son nom indique qu'elle était probablement la fusion de trois grandes déesses levantines (Pettey 1990: 32-33).
S'étendant de la Syrie dans toute la Méditerranée, le culte d'Atargatis continua au moins jusqu'au troisième siècle de notre ère (Godwin 1981:150-152, 158 #124). Ainsi, Asherah et ses déesses-soeurs survécurent, intégrées dans la puissante et vénérée "Déesse Syrienne".
Bibliographie (en anglais)
+ Binger, Tilde 1997. Asherah: Goddesses in Ugarit, Israel and the Old Testament. Sheffield, UK: Sheffield Academic. Journal for the Study of the Old Testament, Supplement Series 232.
+ Coogan, Michael D., tr. 1978. Stories from Ancient Canaan. Louisville, KY:
+ Godwin, Joscelyn 1981. Mystery Religions in the Ancient World. London: Thames and Hudson.
+ Hadley, Judith M. 2000. The Cult of Asherah in Ancient Israel and Judah: Evidence for a Hebrew Goddess. Cambridge: Cambridge University.
+ Hestrin, Ruth 1987. "The Lachish Ewer and the `Asherah," Israel Exploration Journal 37:212-223.
+ Keel, Othmar 1998. Goddesses and Trees, New Moon and Yahweh: Ancient Near Eastern Art and the Hebrew Bible. Sheffield, UK: Sheffield Academic.
+ Keel, Othmar and Christoph Uehlinger 1998. Gods, Goddesses, and Images of God in Ancient Israel. Minneapolis, MN: Fortress.
+ Negbi, Ora 1976. Canaanite Gods in Metal: An Archaeological Study of Ancient Syro-Palestinian Figures. Tel Aviv: Tel Aviv University.
+ Olmo Lete, Gregorio del 1999. Canaanite Religion According to the Liturgical Texts of Ugarit. Bethesda, MD: CDL.
+ Patai, Raphael 1990 (1978). The Hebrew Goddess: Third Enlarged Edition. Detroit, MI: Wayne State University.
+ Pettey, Richard J. 1990. Asherah: Goddess of Israel. New York: Lang.
+ Smith, Mark S. 1990. The Early History of God: Yahweh and the Other Deities in Ancient Israel. San Francisco: Harper and Row.
+ Tubb, Jonathan N. 1998. Canaanites. Norman, OK: University of Oklahoma.