:: Astarté : Déesse de fertilité, de beauté, d'amour et de guerre
- Traduit et adapté par Ishara Labyris de l'article "Astarte, goddess of fertility, beauty, love and war" de Johanna Stuckey, paru sur le site Matrifocus.
Connue dans le Levant antique sous le nom d'Ashtart et dans la Bible hébraïque sous le nom d'Ashtereth, la belle Astarté partage certaines de ses caractéristiques avec la mésopotamienne Ishtar, notamment des similitudes dans leurs noms. Comme Ishtar, Astarté semble avoir des liens très forts avec les domaines de la guerre et de l'amour/sexualité. À l'époque historique, elle recevait des offrandes dans la cité antique d'Ugarit en Syrie; son nom apparaît quarante-six fois dans les textes de cette cité. Un de ses principaux centres était Byblos, où elle a été assimilée aux déesses égyptiennes Hathor et Isis. Au second millénaire avant notre ère, Astarté était, comme Anat, une déesse de guerre pour les Égyptiens (Patai 1990:56).
Grand nombre d'Israélites antiques l'ont vénérée, et différentes versions de son nom apparaissent au moins neuf moins dans la Bible hébraïque. Elle fut également une divinité importante dans les cités phéniciennes de Tyre et Sidon, d'où elle et son culte s'étendit grâce aux marchants phéniciens, à travers toute la méditerranée. (Patai 1990:55-66)
Les poèmes ugaritiques présentent Astarté comme le modèle de beauté et l'associaient généralement avec Baal, le dieu de la tempête, parce qu'elle supportait constamment sa cause (Coogan 1978:61, 65, 74, 89, 116).
Au moins à cinq occasions, le matériel mythique l'associe à Anat, peut-être une indication que les deux déesses avaient commencé à se fondre l'une en l'autre. Pourtant, puisque le nom d'Astarté apparaît assez souvent dans les listes de divinités et d'offrandes, il est clair qu'elle a eu une place importante, sinon centrale dans les rituels et les sacrifices (Olmo Lete 1999:71). D'inombrable images féminines furent retrouvées dans les sites d'excavation à Ugarit, et les chercheurs les ont identitié comme étant Astarté. Toutefois, jusqu'à ce jour, aucun d'entre eux n'a été capable de prouver qu'elles représentaient réellement Astarté.
La forme hébraïque du nom d'Astarté, ashtereth, qui apparaît trois fois dans la Bible hébraïque, résulte d'un changement délibéré de voyelles dans les deux dernières syllables du nom de la déesse, avec les voyelles du nom hébreu "bosheth", qui signifie "honte" (Day 2000: 128; Buttrick 1990: I, 255). Selon Patai, la "signification originelle du nom d'Astarté était "utérus" ou "ce qui provient de l'utérus", un titre approprié pour une déesse de la fertilité" (Patai 1990:57). Dans ses déclarations à propos de la religion syro-cananéenne, les textes bibliques couplent souvent les ashteroth, les "Astartés" avec les baalim, les "Baals", ce qui indique que les auteurs savaient qu'il existait différentes versions locales de ces divinités. Cependant, la connexion répétée entre Astarté et Baal a conduit les chercheurs à conclure que la Bible hébraïque comprenait qu'Astarté était l'épouse de Baal (Day 2000:131; Patai 1990:57). Si elle l'était, elle avait également un lien avec la fertilité.
Le nom d'Astarté apparaît également dans la Bible hébraïque pour nommer un endroit, Ashteroth Karnaim, karnaim signifiant "aux deux cornes" (Genèse 14:5). Ashteroth Karnaim, sans doute le "nom complet d'une ancienne cité" (Patai 1990:57), fut certainement un endroit où il y avait un temple à Astarté, où celle-ci était vénérée comme une divinité à deux cornes. Pour supporter cette hypothèse, Patai s'appuie sur un moule provenant d'un sanctuaire en Israël, démontrant la déesse cornue. Datant d'entre le 18e et le 19e siècle avant notre ère, le moule représente une déesse nue dans un grand chapeau cônique. Elle a deux cornes, une de chaque côté de la tête (Patai 1990:57, Plate 9).
Deux passages dans le Livre de Jérémie (7.17-18 et 44.15-19) se réfèrent à l'ancien culte israélite d'une "Reine des Cieux". Ces passages fournissent un aperçu très rare des pratiques rituelles de la religion populaire judahite. Au tournant du 7e siècle avant notre ère, Jérémie prêchait aux Israélites exhilés en Égypte. Il était horrifié de voir des familles entières, avec les femmes en tête, faisant offrandes à une déesse. Elles faisaient des libérations, des feux et cuisaient "des gâteaux [kawwanim] pour la Reine des Cieux" (Jérémie 7:18).
La littérature scientifique présente un certain nombres de théories sur l'identité de cette "Reine des Cieux" Toorn 1998:83-88; Patai 1990:64). Cependant, puisque "Reine des Cieux" était un des titres communs aux déesses mésopotamiennes Inanna-Ishtar, pour lesquelles les fidèles faisaient également des gâteaux [kamanu], il est possible que la déesse dont parle Jérémie fut bel et bien Astarté (Toorn et Horst 1999:678-679; Patai 1990:64).
Un pillier élaboré en terre-cuite provenant de l'ancienne Taanach dans le nord de l'Israël a pu être utilisé dans le culte d'Astarté (Gadon 1989:174, Figure 97). À peine vingt pouces de hauteur, il date du dixième siècle avant notre ère, durant la période où les Israélites s'étaient établis sur cette terre (Hadley 2000:169). Au centre du premier niveau du pilier se tient uen déesse nue, contrôlant deux lionnes. Le deuxième niveau du pilier contient un espace vide, comme une porte, flanqué de deux sphinx ailés portant des serrures de déesses. Au niveau suivant, deux bouquetins se nourrissent de l'arbre sacré, une scène encore flanquée de deux lionnes. Le dernier niveau du pilier est occupé par un quadrupède, soit un jeune veau ou un jeune cheval, qui marche entre les deux poteaux de la porte. Au-dessus de lui se trouve un disque solaire ailé ou rayonnant.
Les hypothèses concernant ce pilier varient, tout dépendant si l'on considère qu'il provient d'une culture cananéenne ou qu'il est plutôt un objet de culte israélite, dédié à une divinité israélite et son époux (Hadley 2000: 169-176). On s'accorde généralement pour dire que cette pièce représente les divinités d'un temple et des scènes se produisant dans le temple (Hadley 2000:171-172).
Interprété strictement comme un objet de culte cananéen, le pilier de Taanach dépeint soit d'importantes divinités cananéennes, féminine et masculine; ou seulement des déesses, ou même une seule même déesse. De ce point de vue, le bas du pillier montre une déesse nue et le troisième niveau montre son symbole, l'arbre-sacré. L'espace vide au deuxième niveau est un passage vers son sanctuaire, et la porte que l'on voit au quatrième niveau montre soit l'entrée d'un temple ou la "sainte des saintes" (Hadley 2000:172). Entre ces deux entrées, se manifeste le dieu cananéen El ou le dieu de la tempête Baal Hadad, sous la forme d'un jeune veau (Hadley 2000: 172-173).
Puisqu'une déesse est centrale au symbolisme du pilier de Taanach, je dirais que cette déesse est là aussi dans cette porte au deuxième niveau et dans l'animal au niveau quatre. Le symbolisme du pilier culte suggère que cette déesse du Levant est très similaire à la grande déesse Inanna-Ishtar (Stuckey 2001:92-94). La figure féminine au bas du pilier supporte tout : elle est la fondation de tout, la reine du ciel, de la terre et du monde d'en bas. Elle est à la fois la vie et la mort, cette dernière étant présente dans les lionnes menaçantes que la déesse contrôle. Le symbole de sa véritable nature : comme la sumérienne Inanna, elle représente le changement (Stuckey 2001:95). Entrer dans son royaume c'est entreprendre une transformation, soit en mourrant sur un champ de battaille, renaître, tomber amoureux, avoir une activité sexuelle ou laiser tomber l'ordinaire et entrer dans un espace temps sacré grâce au rituel.
L'arbre au niveau trois est une autre preuve de la présence de la déesse et, comme elle, ses branches sont au ciel, son tronc sur la terre et ses racines profondément ancrés sous la terre (Stuckey 2001:101). L'animal au quatrième niveau, que j'identifie comme un jeun veau, représente probablement son époux, le dieu de tempête, dont la fonction est d'apporter la pluie pour fertiliser la terre, afin que le cycle de vie puisse continuer. Étant donné ce que nous savons à propos de la religion cananéenne du premier millénaire avant notre ère, j'associerai ce pilier de Taanach, tentativement, à Astarté qui semble, à ce moment-là, avoir été l'épouse du dieu de la tempête Baal (Patai) 1990:56-57).
Les Phéniciens ont prolongé la dévotion envers Astarté, étant descendants des Cananéens et qui occupèrent un petit territoire sur la côte de la Syerie et du Lebanon au premier millénaire de avant notre ère. De Byblos, Tyre et Sidon, ils partirent en mer lors de longues expéditions et ils s'aventurèrent dans la méditerranée occidentale, et ont même atteint la Cornouaille en Angleterre (Tubbs 1998:140-141). Partout où ils allaient, ils établirent des postes de traite et fondèrent des colonies, dont la plue connue fut celle dans le nord de l'Afrique : Carthage, la rivale de Rome au troisième et deuxième siècle avant notre ère (Tubbs 1998: 142-145). Bien entendu, ils emmenèrent leurs divinités avec eux. Par conséquent, Astarté devint bien plus populaire au premier millénaire avant notre ère qu'elle ne l'avait été au second millénaire (Patai 1990:56-57). À Chypre, où les Phéniciens débarquèrent au neuvième siècle avant notre ère, on bâtit des temples à Astarté, et c'était à Chypre qu'elle a d'abord été identifié comme étant la Grecque Aphrodite (Friedrich 1978).
La période gréco-romaine vit une autre grande déesse levantine appelée Atargatis être vénérée au Levant et ailleurs. Son nom semble avoir un lien ou provenir d'une combinaison des noms d'Astarté et d'Anat. D'autre part, son nom peut être le résultat d'une fusion avec les noms de trois grandes déesses levantines (Toorn et Horst 1999:111). La "Déesse Syrienne", Dea Syria, écrit au deuxième siècle, est traditionnellement attribuée à l'auteur satirique Lucien. Bien que l'auteur donne des noms grecs aux divinités qu'il y décrit, la déesse auquel le titre fait mention est clairement Atargatis (Lucien 1976:4). Le culte d'Atargatis s'étendit de la Syrie partout en Méditerranée et dura au moins jusqu'au troisième siècle de notre ère (Godwin 1981: 150-152, 158 #124). De cette façon, bien après qu'elle ait perdu son identitié indépendante, Astarté survécu dans ce qui composa la "Déesse Syrienne".
Références et lectures suggérées (en anglais)
+ Buttrick, George A., ed. 1991. The Interpreter's Dictionary of the Bible: An Illustrated Encyclopedia. Nashville, TN: Abingdon
Coogan, Michael D., tr. 1978. Stories from Ancient Canaan. Louisville, KY: Westminster
+ Day, John 2000. Yahweh and the Gods and Goddesses of Canaan. Sheffield, UK: Sheffield Academic. Journal for the Study of the Old Testament, Supplement Series 265
+ Friedrich, Paul 1978. The Meaning of Aphrodite. Chicago: University of Chicago
+ Gadon, Elinor 1989. The Once and Future Goddess: A Symbol for Our Time. San Francisco: Harper and Row
+ Godwin, Joscelyn 1981. Mystery Religions in the Ancient World. London: Thames and Hudson
+ Hadley, Judith M. 2000. The Cult of Asherah in Ancient Israel and Judah: Evidence for a Hebrew Goddess. Cambridge: Cambridge University
+ Houtman, C. 1999. "Queen of Heaven...," 678-680 in Dictionary of Deities and Demons in the Bible DDD. Second Extensively Revised Edition, ed. K. van der Toorn, B. Becking, and P. W. van der Horst. Leiden: Brill
+ Lucian 1976. The Syrian Goddess (De Dea Syria) Attributed to Lucian. Ed. H.W. Attridge and R.A. Oden. Missoula, MT: Society of Biblical Literature/Scholars
+ Olmo Lete, Gregorio del 1999. Canaanite Religion According to the Liturgical Texts of Ugarit. Bethesda, MD: CDL
+ Patai, Raphael 1990 (1978). The Hebrew Goddess: Third Enlarged Edition. Detroit, MI: Wayne State University
+ Stuckey, Johanna H. 2002. ""The Great Goddesses of the Levant," Bulletin of the Canadian Society for Mesopotamian Studies37:27-48
+ Stuckey, Johanna H. 2001. "`Inanna and the Huluppu Tree': An Ancient Mesopotamian Narrative of Goddess Demotion," 91-105, in Feminist Poetics of the Sacred: Creative Suspicions, ed. F. Devlin-Glass and L. McCredden. Oxford: Oxford University
+ Toorn, Karel van der 1998. "Goddesses in Early Israelite Religion," 83-97, in Ancient Goddesses: The Myths and the Evidence, ed. L. Goodison and C. Morris. Madison, WI: University of Wisconsin
+ Tubb, Jonathan N. 1998. Canaanites. Norman, OK: University of Oklahoma
+ Wyatt, Nicolas 1999. "Astarte...," 109-114, in Dictionary of Deities and Demons in the Bible, ed. K. van der Toorn, B. Becking, and P.W. van der Horst. Leiden: Brill
Connue dans le Levant antique sous le nom d'Ashtart et dans la Bible hébraïque sous le nom d'Ashtereth, la belle Astarté partage certaines de ses caractéristiques avec la mésopotamienne Ishtar, notamment des similitudes dans leurs noms. Comme Ishtar, Astarté semble avoir des liens très forts avec les domaines de la guerre et de l'amour/sexualité. À l'époque historique, elle recevait des offrandes dans la cité antique d'Ugarit en Syrie; son nom apparaît quarante-six fois dans les textes de cette cité. Un de ses principaux centres était Byblos, où elle a été assimilée aux déesses égyptiennes Hathor et Isis. Au second millénaire avant notre ère, Astarté était, comme Anat, une déesse de guerre pour les Égyptiens (Patai 1990:56).
Grand nombre d'Israélites antiques l'ont vénérée, et différentes versions de son nom apparaissent au moins neuf moins dans la Bible hébraïque. Elle fut également une divinité importante dans les cités phéniciennes de Tyre et Sidon, d'où elle et son culte s'étendit grâce aux marchants phéniciens, à travers toute la méditerranée. (Patai 1990:55-66)
Les poèmes ugaritiques présentent Astarté comme le modèle de beauté et l'associaient généralement avec Baal, le dieu de la tempête, parce qu'elle supportait constamment sa cause (Coogan 1978:61, 65, 74, 89, 116).
Au moins à cinq occasions, le matériel mythique l'associe à Anat, peut-être une indication que les deux déesses avaient commencé à se fondre l'une en l'autre. Pourtant, puisque le nom d'Astarté apparaît assez souvent dans les listes de divinités et d'offrandes, il est clair qu'elle a eu une place importante, sinon centrale dans les rituels et les sacrifices (Olmo Lete 1999:71). D'inombrable images féminines furent retrouvées dans les sites d'excavation à Ugarit, et les chercheurs les ont identitié comme étant Astarté. Toutefois, jusqu'à ce jour, aucun d'entre eux n'a été capable de prouver qu'elles représentaient réellement Astarté.
La forme hébraïque du nom d'Astarté, ashtereth, qui apparaît trois fois dans la Bible hébraïque, résulte d'un changement délibéré de voyelles dans les deux dernières syllables du nom de la déesse, avec les voyelles du nom hébreu "bosheth", qui signifie "honte" (Day 2000: 128; Buttrick 1990: I, 255). Selon Patai, la "signification originelle du nom d'Astarté était "utérus" ou "ce qui provient de l'utérus", un titre approprié pour une déesse de la fertilité" (Patai 1990:57). Dans ses déclarations à propos de la religion syro-cananéenne, les textes bibliques couplent souvent les ashteroth, les "Astartés" avec les baalim, les "Baals", ce qui indique que les auteurs savaient qu'il existait différentes versions locales de ces divinités. Cependant, la connexion répétée entre Astarté et Baal a conduit les chercheurs à conclure que la Bible hébraïque comprenait qu'Astarté était l'épouse de Baal (Day 2000:131; Patai 1990:57). Si elle l'était, elle avait également un lien avec la fertilité.
Le nom d'Astarté apparaît également dans la Bible hébraïque pour nommer un endroit, Ashteroth Karnaim, karnaim signifiant "aux deux cornes" (Genèse 14:5). Ashteroth Karnaim, sans doute le "nom complet d'une ancienne cité" (Patai 1990:57), fut certainement un endroit où il y avait un temple à Astarté, où celle-ci était vénérée comme une divinité à deux cornes. Pour supporter cette hypothèse, Patai s'appuie sur un moule provenant d'un sanctuaire en Israël, démontrant la déesse cornue. Datant d'entre le 18e et le 19e siècle avant notre ère, le moule représente une déesse nue dans un grand chapeau cônique. Elle a deux cornes, une de chaque côté de la tête (Patai 1990:57, Plate 9).
Deux passages dans le Livre de Jérémie (7.17-18 et 44.15-19) se réfèrent à l'ancien culte israélite d'une "Reine des Cieux". Ces passages fournissent un aperçu très rare des pratiques rituelles de la religion populaire judahite. Au tournant du 7e siècle avant notre ère, Jérémie prêchait aux Israélites exhilés en Égypte. Il était horrifié de voir des familles entières, avec les femmes en tête, faisant offrandes à une déesse. Elles faisaient des libérations, des feux et cuisaient "des gâteaux [kawwanim] pour la Reine des Cieux" (Jérémie 7:18).
La littérature scientifique présente un certain nombres de théories sur l'identité de cette "Reine des Cieux" Toorn 1998:83-88; Patai 1990:64). Cependant, puisque "Reine des Cieux" était un des titres communs aux déesses mésopotamiennes Inanna-Ishtar, pour lesquelles les fidèles faisaient également des gâteaux [kamanu], il est possible que la déesse dont parle Jérémie fut bel et bien Astarté (Toorn et Horst 1999:678-679; Patai 1990:64).
Un pillier élaboré en terre-cuite provenant de l'ancienne Taanach dans le nord de l'Israël a pu être utilisé dans le culte d'Astarté (Gadon 1989:174, Figure 97). À peine vingt pouces de hauteur, il date du dixième siècle avant notre ère, durant la période où les Israélites s'étaient établis sur cette terre (Hadley 2000:169). Au centre du premier niveau du pilier se tient uen déesse nue, contrôlant deux lionnes. Le deuxième niveau du pilier contient un espace vide, comme une porte, flanqué de deux sphinx ailés portant des serrures de déesses. Au niveau suivant, deux bouquetins se nourrissent de l'arbre sacré, une scène encore flanquée de deux lionnes. Le dernier niveau du pilier est occupé par un quadrupède, soit un jeune veau ou un jeune cheval, qui marche entre les deux poteaux de la porte. Au-dessus de lui se trouve un disque solaire ailé ou rayonnant.
Les hypothèses concernant ce pilier varient, tout dépendant si l'on considère qu'il provient d'une culture cananéenne ou qu'il est plutôt un objet de culte israélite, dédié à une divinité israélite et son époux (Hadley 2000: 169-176). On s'accorde généralement pour dire que cette pièce représente les divinités d'un temple et des scènes se produisant dans le temple (Hadley 2000:171-172).
Interprété strictement comme un objet de culte cananéen, le pilier de Taanach dépeint soit d'importantes divinités cananéennes, féminine et masculine; ou seulement des déesses, ou même une seule même déesse. De ce point de vue, le bas du pillier montre une déesse nue et le troisième niveau montre son symbole, l'arbre-sacré. L'espace vide au deuxième niveau est un passage vers son sanctuaire, et la porte que l'on voit au quatrième niveau montre soit l'entrée d'un temple ou la "sainte des saintes" (Hadley 2000:172). Entre ces deux entrées, se manifeste le dieu cananéen El ou le dieu de la tempête Baal Hadad, sous la forme d'un jeune veau (Hadley 2000: 172-173).
Puisqu'une déesse est centrale au symbolisme du pilier de Taanach, je dirais que cette déesse est là aussi dans cette porte au deuxième niveau et dans l'animal au niveau quatre. Le symbolisme du pilier culte suggère que cette déesse du Levant est très similaire à la grande déesse Inanna-Ishtar (Stuckey 2001:92-94). La figure féminine au bas du pilier supporte tout : elle est la fondation de tout, la reine du ciel, de la terre et du monde d'en bas. Elle est à la fois la vie et la mort, cette dernière étant présente dans les lionnes menaçantes que la déesse contrôle. Le symbole de sa véritable nature : comme la sumérienne Inanna, elle représente le changement (Stuckey 2001:95). Entrer dans son royaume c'est entreprendre une transformation, soit en mourrant sur un champ de battaille, renaître, tomber amoureux, avoir une activité sexuelle ou laiser tomber l'ordinaire et entrer dans un espace temps sacré grâce au rituel.
L'arbre au niveau trois est une autre preuve de la présence de la déesse et, comme elle, ses branches sont au ciel, son tronc sur la terre et ses racines profondément ancrés sous la terre (Stuckey 2001:101). L'animal au quatrième niveau, que j'identifie comme un jeun veau, représente probablement son époux, le dieu de tempête, dont la fonction est d'apporter la pluie pour fertiliser la terre, afin que le cycle de vie puisse continuer. Étant donné ce que nous savons à propos de la religion cananéenne du premier millénaire avant notre ère, j'associerai ce pilier de Taanach, tentativement, à Astarté qui semble, à ce moment-là, avoir été l'épouse du dieu de la tempête Baal (Patai) 1990:56-57).
Les Phéniciens ont prolongé la dévotion envers Astarté, étant descendants des Cananéens et qui occupèrent un petit territoire sur la côte de la Syerie et du Lebanon au premier millénaire de avant notre ère. De Byblos, Tyre et Sidon, ils partirent en mer lors de longues expéditions et ils s'aventurèrent dans la méditerranée occidentale, et ont même atteint la Cornouaille en Angleterre (Tubbs 1998:140-141). Partout où ils allaient, ils établirent des postes de traite et fondèrent des colonies, dont la plue connue fut celle dans le nord de l'Afrique : Carthage, la rivale de Rome au troisième et deuxième siècle avant notre ère (Tubbs 1998: 142-145). Bien entendu, ils emmenèrent leurs divinités avec eux. Par conséquent, Astarté devint bien plus populaire au premier millénaire avant notre ère qu'elle ne l'avait été au second millénaire (Patai 1990:56-57). À Chypre, où les Phéniciens débarquèrent au neuvième siècle avant notre ère, on bâtit des temples à Astarté, et c'était à Chypre qu'elle a d'abord été identifié comme étant la Grecque Aphrodite (Friedrich 1978).
La période gréco-romaine vit une autre grande déesse levantine appelée Atargatis être vénérée au Levant et ailleurs. Son nom semble avoir un lien ou provenir d'une combinaison des noms d'Astarté et d'Anat. D'autre part, son nom peut être le résultat d'une fusion avec les noms de trois grandes déesses levantines (Toorn et Horst 1999:111). La "Déesse Syrienne", Dea Syria, écrit au deuxième siècle, est traditionnellement attribuée à l'auteur satirique Lucien. Bien que l'auteur donne des noms grecs aux divinités qu'il y décrit, la déesse auquel le titre fait mention est clairement Atargatis (Lucien 1976:4). Le culte d'Atargatis s'étendit de la Syrie partout en Méditerranée et dura au moins jusqu'au troisième siècle de notre ère (Godwin 1981: 150-152, 158 #124). De cette façon, bien après qu'elle ait perdu son identitié indépendante, Astarté survécu dans ce qui composa la "Déesse Syrienne".
Références et lectures suggérées (en anglais)
+ Buttrick, George A., ed. 1991. The Interpreter's Dictionary of the Bible: An Illustrated Encyclopedia. Nashville, TN: Abingdon
Coogan, Michael D., tr. 1978. Stories from Ancient Canaan. Louisville, KY: Westminster
+ Day, John 2000. Yahweh and the Gods and Goddesses of Canaan. Sheffield, UK: Sheffield Academic. Journal for the Study of the Old Testament, Supplement Series 265
+ Friedrich, Paul 1978. The Meaning of Aphrodite. Chicago: University of Chicago
+ Gadon, Elinor 1989. The Once and Future Goddess: A Symbol for Our Time. San Francisco: Harper and Row
+ Godwin, Joscelyn 1981. Mystery Religions in the Ancient World. London: Thames and Hudson
+ Hadley, Judith M. 2000. The Cult of Asherah in Ancient Israel and Judah: Evidence for a Hebrew Goddess. Cambridge: Cambridge University
+ Houtman, C. 1999. "Queen of Heaven...," 678-680 in Dictionary of Deities and Demons in the Bible DDD. Second Extensively Revised Edition, ed. K. van der Toorn, B. Becking, and P. W. van der Horst. Leiden: Brill
+ Lucian 1976. The Syrian Goddess (De Dea Syria) Attributed to Lucian. Ed. H.W. Attridge and R.A. Oden. Missoula, MT: Society of Biblical Literature/Scholars
+ Olmo Lete, Gregorio del 1999. Canaanite Religion According to the Liturgical Texts of Ugarit. Bethesda, MD: CDL
+ Patai, Raphael 1990 (1978). The Hebrew Goddess: Third Enlarged Edition. Detroit, MI: Wayne State University
+ Stuckey, Johanna H. 2002. ""The Great Goddesses of the Levant," Bulletin of the Canadian Society for Mesopotamian Studies37:27-48
+ Stuckey, Johanna H. 2001. "`Inanna and the Huluppu Tree': An Ancient Mesopotamian Narrative of Goddess Demotion," 91-105, in Feminist Poetics of the Sacred: Creative Suspicions, ed. F. Devlin-Glass and L. McCredden. Oxford: Oxford University
+ Toorn, Karel van der 1998. "Goddesses in Early Israelite Religion," 83-97, in Ancient Goddesses: The Myths and the Evidence, ed. L. Goodison and C. Morris. Madison, WI: University of Wisconsin
+ Tubb, Jonathan N. 1998. Canaanites. Norman, OK: University of Oklahoma
+ Wyatt, Nicolas 1999. "Astarte...," 109-114, in Dictionary of Deities and Demons in the Bible, ed. K. van der Toorn, B. Becking, and P.W. van der Horst. Leiden: Brill